Le 18 juillet 2024, six tirailleurs africains (quatre originaires du Sénégal, un de Côte d’Ivoire et un de Haute-Volta devenu le Burkina Faso) exécutés avec des dizaines d’autres sur ordre d’officiers de l’armée française en 1944 à Thiaroye au Sénégal, se sont vus reconnaitre à titre posthume la mention « Morts pour la France » par l’Office national français des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG). Selon le secrétariat d’Etat français chargé des Anciens combattants et de la Mémoire, ce geste s’inscrit dans le cadre des commémorations des 80 ans de la libération de la France comme dans la perspective du 80e anniversaire des évènements de Thiaroye, dans la droite ligne mémorielle du président Emmanuel Macron qui souhaite que la France regarde son histoire en face.
Au vu de cette décision, le Président Ousmane Sonko, en tant que président du parti PASTEF-les-Patriotes, a réagi en déclarant que « La France ne pourra plus ni faire ni conter seule ce bout d’histoire tragique… Ce n’est pas à elle de fixer unilatéralement le nombre d’Africains trahis et assassinés après avoir contribué à la sauver, ni le type et la portée de la reconnaissance et des réparations qu’ils méritent ».
Pour rappel, 1300 tirailleurs ont été rassemblés au camp de Thiaroye, des ex-prisonniers de guerre des Allemands qui avaient participé aux combats de 1940. Ils avaient embarqué en France début novembre 1944 pour être renvoyés en bateau à Dakar. Après leur arrivée au camp plus de deux semaines plus tard, ils se révoltent contre le retard du paiement de leurs arriérés de soldes, plusieurs refusant de rentrer dans leurs pays et foyers sans être payés. Au matin du 1er décembre 1944, au camp militaire de Thiaroye, des troupes coloniales et des gendarmes français avaient tiré sur ordre d’officiers de l’armée française sur ces tirailleurs qui avaient incontestablement participer à la libération de la France et de l’Europe.
Selon le bilan dressé par les autorités françaises à l’époque, deux documents militaires français font état, l’un de 35, l’autre de 70 tirailleurs tués. Une approximation curieuse qui tend à accréditer l’hypothèse d’un massacre impliquant au contraire plusieurs centaines de soldats.
Six tirailleurs africains qui obtiennent, 80 ans plus tard, la distinction « Morts pour la France », alors que les victimes du massacre se comptent par dizaines, voire par centaines, c’est sur quoi le Président Ousmane Sonko demande au gouvernement français de « revoir ses méthodes, car les temps ont changé », et affirme que « Thiaroye 44, comme tout le reste, sera remémoré autrement désormais ».
Ce massacre de Thiaroye a provoqué une plus grande prise de conscience du traitement inégalitaire des autorités françaises de certains faits historiques notamment ceux concernant la colonisation, l’effort et la contribution des Africains à la Guerre. Son souvenir restera vivace et exigera pour les familles des tirailleurs africains une meilleure reconnaissance de la France, mais aussi de la part des chercheurs et historiens africains un travail conséquent permettant d’avoir le chiffre réel du nombre de victimes.
Abdou Sonko